Je m’appelle Pierre et je suis Innu de La Romaine, sur la basse Côte-Nord. Dès ma naissance, j’ai été placé dans un orphelinat, puis en famille d’accueil pour finalement être adopté par une famille québécoise à mes 5 ans.
J’ai grandi à plusieurs endroits avec ma famille adoptive. Nous avons habité à la ville de Gagnon, mais lorsque la ville a fermé, nous avons déménagé à Asbestos en Estrie. J’ai un frère qui est adopté lui aussi. Il est Innu de Pessamit. J’ai rencontré ma mère biologique une fois lorsque je suis allé à La Romaine pour aller chercher ma carte d’autochtone, mais cela fait 16 que je ne l’ai plus jamais revue. Je ne connais pas mon père biologique. Dans ma jeunesse, je m’amusais dehors et j’aidais mon père adoptif à charrier du bois pour notre maison et pour notre cabane à sucre. Je m’ennui surtout des bons repas que nous mangions.
Je trouvais ça ennuyant habiter en campagne dans un petit village. C’est pour ça que j’ai fait du pousse jusqu’à Montréal à mes 18 ans, après avoir fini mon secondaire. Il y a beaucoup plus de choses à faire à Montréal! En arrivant, je me suis trouvé un coloc et je suis resté avec lui pendant 19 ans. Il m’a fait entrer dans l’usine alimentaire où il travaillait et je suis resté là pendant 10 ans. J’ai ensuite travaillé dans des grands magasins jusqu’en 2013.
Quand mon coloc est décédé, j’ai cohabité avec plusieurs personnes différentes. Le dernier avec qui j’ai habité m’a mis à la porte parce que je buvais trop de bière. J’ai commencé à boire à mes 18 ans, quand j’ai pu sortir dans les bars, et je n’ai jamais arrêté depuis. En 2017, je suis tombé en sortant d’un bar et je me suis fait mal au pied. Mon pied a fait une infection et un mois plus tard, je me faisais amputer. C’est à cause de ça que je suis en chaise roulante maintenant.
Je suis arrivé à PAQ en décembre 2019. Avant, quand j’étais dans la rue, j’allais dormir à la Maison du Père et c’est là que j’ai appris qu’il y avait un refuge pour autochtones. Ce que j’aime à PAQ c’est l’ambiance, la nourriture, mais aussi, les gens m’aident. Quand j’ai attrapé la COVID-19, une intervenante m’a poussé dans la tempête de neige jusqu’au CHUM. On m’a aussi aidé pour avoir un appartement en transition et on regarde pour un appartement pour du long terme.
C’est temps-ci, pour m’occuper, je reste dehors toute la journée. Je lis de temps en temps, je joue à des jeux, mais c’est difficile de se déplacer quand tu es en chaise roulante, surtout en hiver et quand il pleut.
Un jour, j’aimerais retourner sur le marché du travail et remarcher. Je veux marcher pour ne plus être pris dans ma chaise roulante, je veux me trouver un emploi et surtout, je veux quitter la rue. Certaines personnes aiment ça vivre dans la rue, mais moi, j’ai toujours travaillé et je veux recommencer.